L'Assemblée nationale adopte en deuxième lecture l'article 17 ter

Publié le par accessibilite-effective

A la demande du gouvernement, contre l'avis du Sénat, des associations de défense des droits des étrangers et des professionnels de santé, l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture l'article 17 ter de la loi Immigration, Intégration, Nationalité.

Les débats ont  montré que les arguments soutenus par le rapporteur  et le gouvernement par l'intermédiaire du ministre ne reposent pas sur des faits.

Balayant tous les arguments de risque pour la santé des étrangers, la santé publique, l'aggravation des déficits des hôpitaux (ne mentionnons pas  la raison humanitaire...), les arguments principaux évoqués par le gouvernement seraient une réponse à la jurisprudence introduite par le conseil d'état.

En rappelant la notion d'accessibilité "effective" en avril 2010, le conseil d'état aurait modifié l'esprit de la loi de 1998.

Cet argument ne tient pas. D'abord parce que la première circulaire d'application datant de 1998 définissait déjà cette notion d'accessibilité effective. Elle a d'ailleurs été rappelée par le circulaire du ministre de la santé de juillet 2010. Le conseil d'état n'a donc fait que rappeler ce qui était déjà inscrit dans la loi en raison de contentieux pour lesquels il avait eu à intervenir. Il est également important de noter que déjà en 2006, bien avant l'intervention du conseil d'état, certaines préfectures avaient déjà refusé de délivrer des titres de séjour "étranger malade" à des malades du SIDA sous prétexte que des trithérapies étaient "disponibles"  dans certains pays en développement. La réaction des associations et des professionnels de santé les avait obligé  à renoncer à cette pratique. Enfin, notons que ces dernières années,  en 2010 tout particulièrement, les irrégularités administratives dont sont victimes les demandeurs d'un titre de séjour pour raisons de santé ont largement augmenté (à titre d'exemple, la préfecture de Paris n'accepte plus le dépôt des dossier en main propre depuis juillet 2010...). L'explosion de demandes liées à la nouvelle jurisprudence introduite par le conseil d'état est donc bien loin de se produire!

Lorsqu'a été évoqué le fait que la notion de "disponibilité" d'un traitement  donnera lieu à une interprétation aléatoire, n'est pas précise et équivaut tout simplement à supprimer la carte de séjour "étrangers malades", le rapporteur  insiste et répond qu'il ne s'agit que d'une clarification, cela ne changera rien. En résumé, il faut changer la loi en 2011 pour mieux l'appliquer dans son esprit de 1998. Pourquoi introduire un article de loi s'il ne change rien? On vous le répète, pour pallier au laxisme introduit par le conseil d'état!

Lorsque certains députés évoquent l'exemple des malades du SIDA, le ministre répond que comme cela est rappelé dans la circulaire de juillet 2010, les patients atteints de VIH ne seront pas concernés car aujourd'hui il n'est pas considéré que l'accès aux antiviraux soit suffisant dans la plupart des pays du sud et cette circulaire ne sera pas contre-dite. Résumons : on change la rédaction de la loi de 1998 (sans rien changer à son application...) donc on pourra continuer à appliquer la circulaire de 2010 qui se rapporte à la loi telle que rédigée en 1998.Tout le monde suit? Et pour endormir les acteurs de la lutte contre le SIDA très largement mobilisés contre la modification de la loi en soulignant la contradiction avec le plan national de lutte contre le SIDA, onenvoie un message rassurant : ne craignez rien, on ne renverra que des diabétiques ou des cancéreux, le SIDA on y touchera pas tout de suite...Ouf, nous voilà soulagés! Le ministre aurait-il oublié que tout récemment encore, un médecin d'ARS zélé a anticipé sur la promulgation de cette loi et refusé d'accorder un titre de séjour à une dizaine de malades du SIDA?

 Il ne nous a pas échappé que le gouvernement ne semble pas connaître très bien les conditions d'obtention d'un titre de séjour pour raison médicale puisque le minuistre a précisé en séance que le dispositif ne s'adressait pas qu'aux étranges "résidant déjà en France" sans plus de précision, voulant sans doute évoquer encore une fois le flux migratoire qu'induirait le dispositif et le risque d'écroulement de la sécurité sociale qui s'en suivrait. Permettons-nous un petit rappel : le titre de séjour n'est délivré qu'aux personnes "résidant habituellement en France", la durée minimale de 1 an étant la règle, avec nécessité de le prouver par différents documents (quittances, factures, etc...). Si ça n'est pas la définition de "résidant déjà en France" alors, qu'on nous explique....

Pour terminer, le passage où quelques députés ont cru bon de rappeler que la France étant le deuxième bailleur de fonds au niveau international, nous participions déjà largement à la lutte contre les principales pandémies (SIDA, Tuberculose, Paludisme), alors où est le problème de les renvoyer dans leur pays où ils pourront profiter de nos généreuses donnations? Notons que l'intention est donc bien de les renvoyer chez eux, alors que l'application de la loi ne changera rien à la délivrance des titres de séjour....L'exemple  n'a rien à voir avec le sujet. Rappelons simplement ceci: 1,7 milions de décès liés à la tuberculose, 1,8 millions de décès liés au SIDA et en moyenne  2 personnes sur 1000 sont mortes de paludisme en Afrique (85% étaient des enfants de moins de 5 ans) pour l'année 2009. A moins que le but de cet exemple soit de nous rappeler que notre niveau de vie est meilleur que celui du pays d'origine de ces personnes, qui ont donc logiquement choisi  de vivre en France lorsqu'elles étaient encore en bonne santé?

La teneur des propos tenus en séance  par certains députés, le gouvernement et le rapporteur laisse perplexe les professionnels de la santé qui vivent une réalité très différente de ce qui a été évoqué dans l'hémicycle. Rappelons que nous avons à prendre en charge des malades graves, vivant en France depuis des années, qui rencontrent déjà de nombreuses difficultés et que nous pensons que cela va s'aggraver. Aucun des arguments défendus par le gouvernement n'ont réussi à nous convaincre du contraire.

Nous déplorons que le message d'alerte venant des médecins qui vivent quotidiennement ces situations dramatiques n'aie pas été entendu.

 

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